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  • Ce qu'on appelle union, dans un corps politique, est une chose très équivoque; la vraie est une union d'harmonie, qui fait que toutes les parties, quelques opposées qu'elles nous paraissent, concourent au bien général de la société...Jean Bertin L.L
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26 décembre 2008

Kivu : quelles leçons tirer de six mois de guerre ?

(Le Potentiel 26/12/2008) 

Que retenir des évènements du Kivu, depuis la réouverture des hostilités par le CNDP de Nkunda, en août 2008 jusqu’à cette fin décembre ? Essentiellement quatre points essentiels, quatre « schwerpunkte » comme disent les Allemands :

1.- Contrairement à l’opinion du Commissaire européen à l’aide humanitaire, M. Louis Michel, il est parfaitement impossible de négocier avec Nkunda dont les revendications se modifient régulièrement et deviennent de plus en plus irréalistes, traduisant une dérive paranoïaque du personnage. Seules des mesures contraignantes qui nécessitent le concours, volontaire ou forcé, du gouvernement rwandais - le seul qui ait une prise sur Nkunda - paraissent susceptibles de stopper le chef rebelle dans son aventure. A part un plan militaire (5 décembre) arrêté entre Kinshasa et Kigali au sujet du désarmement des FDLR dont la mise en œuvre est prévue pour le 1er semestre 2009, le Rwanda n’a montré aucune bonne volonté, notamment pour se désolidariser du CNDP. Il devient ainsi évident que seules de fortes pressions économiques sur le Rwanda - par exemple conditionner l’aide internationale qu’il reçoit aux initiatives que pourrait prendre le Rwanda pour annihiler le CNDP et Nkunda - permettraient de faire bouger réellement les choses et éviteraient l’enlisement du conflit avec, comme conséquences, d’autres dizaines de milliers de déplacés, d’autres milliers de morts. La Suède et les Pays-Bas ont donné l’exemple en décidant (12 décembre) de suspendre le versement de leur aide financière au budget rwandais ; quelques voix commencent à s’élever au Royaume-Uni, principal soutien du Rwanda avec les Etats-Unis, pour réclamer l’arrêt du versement à Kigali de dizaines de millions de livres sterling d’aide budgétaire. Toutefois le nœud du problème reste le pillage des ressources du Kivu : tant que la « communauté internationale » n’aura pas de comportement éthique en la matière, le coltan, l’étain, resteront des « minerais de sang » et le Kivu demeurera une sorte de « Lebensraum » (espace vital) rwandais.

2.- Aucune solution viable n’apparaît évidente à l’heure actuelle. La « communauté internationale », comprenons l’Occident (Etats-Unis, Union européenne) sous cette appellation énervante, préférera longtemps encore s’appuyer sur le Rwanda, Etat fort et dictatorial, plutôt que sur le Congo, Etat faible et fragile démocratie, pour s’assurer la pérennité de ses approvisionnements en coltan et en cassitérite du Kivu, dont l’exploitation et l’exportation vers des consortiums occidentaux constituent son intérêt primordial, tant il est avéré que le gouvernement de Kinshasa est en position de faiblesse ; la situation tant militaire - avec les échecs cuisants des FARDC - que diplomatique - Kinshasa paraît isolé sur la scène internationale - lui est défavorable.

3.- L’Onu a démontré sa totale impuissance à régler la crise ; elle peine à trouver des renforts pour la Monuc : seuls 600 soldats du Bangladesh et quelques Guatémaltèques seraient disponibles à l’heure actuelle sur les 3000 dont l’envoi au Kivu est projeté. La Monuc a fait la preuve de son inefficacité à remplir son mandat, ne serait-ce que pour assurer la protection des civils dans le cadre du chapitre VII de la Charte de l’Onu. La récente décision du Conseil de sécurité de l’Onu (22 décembre) de proroger jusqu’au 31 décembre 2009 et de renforcer le mandat de la Monuc n’est pas suffisante pour espérer une meilleure efficience des casques bleus.

4.- L’Union européenne est divisée et se montre incapable de propositions sérieuses. La France porte une responsabilité particulière dans l’échec européen : Nicolas Sarkozy, dont le pays préside le Conseil européen jusqu’à la fin de l’année, a désavoué, le 12 décembre, son ministre des Affaires étrangères qui, le 29 octobre, s’était montré favorable à une intervention militaire européenne, préférant suggérer l’envoi au Kivu de troupes angolaises sous mandat de l’Onu. Les propos du président français laissent perplexe et sont susceptibles - si son souhait de voir l’Angola intervenir autrement que dans le cadre d’institutions régionales (SADC, CEEAC, ou Union africaine) était exaucé - d’internationaliser le conflit, faute de l’aval du Rwanda. En réalité, tout à leur projet, qui vient à contretemps, de renouer les relations diplomatiques avec le Rwanda - l’«affaire Kabuyé », dont l’issue ne peut être que favorable à la chef du protocole de Kagamé, en est le moyen paradoxal concerté par Paris et Kigali - les Français veulent éviter de s’engager dans un processus où des soldats européens se retrouveraient aux prises avec la rébellion tutsi.

ALAIN BISCHOFF, HISTORIEN, JURISTE CONSULTANT POUR L’AFRIQUE CENTRALE.

(AUTEUR DE CONGO-KINSHASA, LA DECENNIE 1997-2007, PARIS, EDITIONS DU CYGNE, AVRIL 2008, 239 P.)


Par Le Potentiel

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